Le blogue du Bioparc

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Les exceptionnels de l’hiver

L’hiver est une rude période pour les Québécois : les grands froids, la neige, la diminution de la luminosité nous affectent tous. Pourtant, nous avons accès à la chaleur de nos maisons et à une source de nourriture facilement accessible, ce qui n’est pas le cas pour les animaux sauvages, pour qui l’hiver est d’autant plus difficile. Ils réussissent tout de même à passer à travers la saison froide. Certains migrent, d’autres hibernent, mais qu’en est-il de ceux qui restent actifs? Bien que tous aient des adaptations leur permettant de survivre, certains ont développé des comportements ou des habiletés particulièrement exceptionnels.
 
Les insectes sont des animaux auxquels on ne pense généralement pas durant l’hiver puisqu’ils disparaissent avec le temps froid, mis à part l’occasionnelle mouche dans notre maison. La plupart se cache pour passer à travers l’hiver. D’autres ont la capacité de migrer, comme le monarque qui s’envole en automne vers les forêts chaudes du Mexique. Mais un petit insecte, mesurant à peine quelques millimètres, peut être observé sur la neige lors des journées chaudes d’hiver. Le collembole, aussi appelé puce des neiges, se nourrit de spores de champignons et d’algues vivant sur les arbres et sur la neige. C’est grâce à des protéines antigel dans son corps que l’insecte survit au gel. D’ailleurs, des chercheurs étudient ces protéines qui pourraient éventuellement être utiles pour la transplantation d’organes.
 
Les amphibiens et reptiles sont aussi bien cachés durant l’hiver. Comme ils sont ectothermes, ou à sang froid, et que leur corps est à la même température que l’air ambiant, ils ne peuvent rester actifs durant l’hiver. C’est pourquoi ils se cachent au fond d’un point d’eau ou sous la ligne de gel. La grenouille des bois, pour sa part, reste près de la surface de la terre, au travers des feuilles mortes ou sous une souche, et laisse son corps geler avec l’abaissement de la température. Sa respiration, les battements de son cœur ainsi que ses activités métaboliques arrêtent. Entre 60 et 70 % de l’eau de son corps gèle. Tout comme le collembole, la grenouille des bois possède une substance cryoprotectrice, ou antigel, qui empêche la glace de se former à l’intérieur de ses cellules. Au printemps, lorsque la température commence à s’adoucir et que la neige fond, la grenouille reprend tranquillement vie.
 
Les oiseaux sont plus facilement observables durant l’hiver. À l’automne, plusieurs d’entre eux quittent pour le sud afin de profiter des températures plus clémentes et de l’abondance de nourriture. Ceux qui restent dans la province ont développé des adaptations pour trouver leur nourriture et rester au chaud. Le grand-duc d’Amérique est un oiseau de proie capable de détecter ses proies, comme le campagnol, sous la neige. C’est grâce à son disque facial, soit les plumes qui forment un cercle canalisant les sons vers les oreilles, et à la position de ses oreilles que le hibou est capable de repérer avec précision l’emplacement de la proie. D’ailleurs, les trous d’oreilles sont asymétriques, ayant une grosseur différente et étant placées à différentes hauteurs. Le grand-duc d’Amérique est un des premiers oiseaux nicheurs à avoir des petits. La nidification se fait parfois aussi tôt que février. C’est l’abondance de proies qui détermine le moment de l’accouplement.
 
Les mammifères, tout comme les oiseaux, sont des animaux endothermes, ou à sang chaud. Ils doivent donc, durant l’hiver, dépenser de l’énergie afin de rester au chaud. Des mammifères, comme la chauve-souris rousse, vont migrer, certains, comme l’ours noir, vont entrer en dormance alors que d’autres, comme la marmotte, vont hiberner. Les mammifères qui restent actifs ont des adaptations parfois impressionnantes. C’est le cas du renard arctique qui habite les terres circumpolaires de l’Arctique. Sa fourrure d’été brune laisse place à une épaisse fourrure blanche ou bleue (grise) durant l’hiver. Cette fourrure très dense, couvrant presque toutes les parties de son corps, même les coussinets de ses pieds, lui permet de résister à des températures extrêmes, il ne frissonne même pas tant que la température n’a pas atteint -70°C. Le caribou des bois est une autre espèce vivant dans l’Arctique, mais aussi dans les hautes montagnes gaspésiennes. Sa fourrure passe aussi du brun durant l’été au blanc durant l’hiver. En plus de lui offrir du camouflage, la fourrure blanche est très isolante. Elle se retrouve d’ailleurs sous les pattes, entre les sabots, offrant une traction sur la glace et empêchant la neige de rester prise sous les pattes. Ses sabots sont d’ailleurs particuliers puisqu’ils sont creux, un peu comme des pelles et lui permettent de creuser la neige à la recherche de lichen, sa nourriture préférée. Son nom micmac Xalibù veut d’ailleurs dire « celui qui gratte le sol avec sa patte ».
 
Avec toutes ses adaptations, on peut dire que la nature est bien faite. Malgré des conditions climatiques parfois très difficiles, les animaux, du petit insecte au grand mammifère, ont réussi à s’adapter et à proliférer. Alors, faisons comme eux, couvrons-nous de notre gros manteau, d’une tuque et de mitaines et profitons de notre bel hiver québécois!
Auteure : Stéphanie Bentz, biologiste responsable de l’éducation
 

 

Crédits photos : Bioparc de la Gaspésie, Stéphanie Bentz et Flicker