Les animaux nous semblent parfois bizarres, par leurs habitudes ou leur forme. On s’imagine aussi que les animaux les plus étranges sont dans les pays loin du Canada. Mais pourtant, il y a bien un animal particulier qu’on observe ici-même, en Amérique du Nord, le condylure étoilé. Ce petit animal appartient à la famille des Talpidés, comme la taupe à queue velue. Le condylure n’est pas un animal impressionnant pour sa taille. Il mesure 12 centimètres de long et pèse 55 grammes en moyenne. Sa couleur n’a rien de spectaculaire non plus, puisqu’il est tout gris. Mais que dire de son nez !
Le nez du condylure est ce qui le rend spécial. Celui-ci a une forme de disque bordé de 22 tentacules. Ces tentacules sont disposés de façon symétrique, à raison de 11 de chaque côté du museau. Ce nez particulier, voire même bizarre, est très sensible. Lors de ses déplacements, le condylure frappe le sol avec son nez, aussi rapidement que possible. On parle ici de 10 à 12 fois par seconde ! Cette technique, qui semble aléatoire, est très efficace, puisque à chaque contact, ce sont 25 000 mécanorécepteurs ultrasensibles qui envoient de l’information au cerveau via 100 000 fibres nerveuses. En comparant ce nez à la main humaine, c’est 6 fois plus de capteurs tactiles. D’ailleurs, son museau est la zone épidermique la plus sensible chez les mammifères, ce qui lui a valu un record Guinness en 2013.
Ce nez lui permet aussi, tout comme nous, de sentir les odeurs. Mais encore là, le condylure ne fait pas les choses comme les autres. C’est un animal semi-aquatique, qui chasse, entre autres, dans l’eau. Bien qu’il ne respire pas sous l’eau, il est capable de sentir. Il produit des bulles d’air, qu’il aspire par le nez. À ce jour, il n’y a que deux mammifères qui ont cette capacité de sentir sous l’eau, le condylure et la musaraigne palustre, aussi présente en Amérique du Nord.
Un tel nez est d’une grande utilité au condylure, qui est pratiquement aveugle. Ses yeux distinguent seulement les variations d’intensité lumineuse. Comme sa cousine la taupe à queue velue, le condylure creuse des galeries dans lequel il chasse ses proies. Ses pattes avant sont larges et ornées de grandes griffes en forme de pelle. Les couloirs des galeries mesurent entre 3 et 6 centimètres de large. Le réseau de tunnel peut s’étendre sur 300 mètres. Il faut dire que le condylure peut vivre en petite colonie. Le nez est encore utile dans cette situation, puisqu’il permet de se reconnaître entre individus.
Si on poursuit dans la lignée des adaptations particulières, la fourrure du condylure peut se lisser dans tous les sens, ce qui lui permet de reculer, même dans les endroits étroits. Il peut donc rapidement se déplacer pour attraper ses proies. Proies qu’il dévore à la vitesse de l’éclair. En moins de 230 millisecondes, soit moins d’un quart de seconde, il a touché, identifié et dévoré sa proie. Il est 14 fois plus rapide que les autres taupes, ce qui lui a même valu un autre Record Guinness !
Ses principales proies sont les vers de terre, insectes aquatiques, mollusques et crustacés. Et il en mange ! Il a un métabolisme très rapide, ce qui demande beaucoup d’énergie. Il mange donc beaucoup, soit l’équivalent de son poids, chaque jour. C’est comme si un humain moyen mangeait 85 poulets entiers par jour. Pour ce faire, il est actif à l’année, de jour comme de nuit. Il n’a pas de cycle en fonction de la photopériode. Afin de faire des réserves pour les périodes où il a moins de temps pour manger, comme la reproduction, il accumule des graisses dans sa queue. Celle-ci est aussi utile lorsque le condylure nage, puisqu’elle lui sert de gouvernail.
Les capacités de nage du condylure sont le dernier élément fascinant de l’animal. C’est la taupe québécoise la plus aquatique. Il choisit d’ailleurs les terrains humides, près de l’eau pour établir son nid. Bien qu’à l’abri des prédateurs lorsqu’il est dans ses tunnels, il passe passablement de temps à la surface ou dans l’eau à la recherche de nourriture. Il peut faire des plongées de plus de 45 secondes sans respirer et nager pendant près d’une heure.
Avec toutes ces particularités, le condylure est assurément un des animaux les plus étranges au Québec. Malgré tout, il est plutôt rare de l’observer. Il faut vraiment bien connaître sa biologie et être patient pour lui voir le bout du nez étoilé.
Auteure : Stéphanie Bentz, biologiste responsable de l’éducation
Sources :
Prescott, Jacques et Pierre Richard. (2013). Mammifères du Québec et de l’Est du Canada (3e édition). Waterloo, Québec : Éditions Michel Quintin.
National Geographic. L’étrange vie du condylure étoilé, seule taupe capable de chasser sous l’eau [En ligne] https://www.nationalgeographic.fr/animaux/letrange-vie-du-condylure-etoile-seule-taupe-capable-de-chasser-sous-leau (Page consultée le 8 novembre 2023)
Gouvernement du Québec. Pleins feux sur… l’Halloween et le condylure à nez étoilé [En ligne] https://mffp.gouv.qc.ca/jeunesse/halloween-condylure-nez-etoile/ (Page consultée le 8 novembre 2023)
Guepe. Toucher avec son nez : le condylure [En ligne] https://www.guepe.qc.ca/blogs/toucher-avec-son-nez-le-condylure (Page consultée le 8 novembre 2023)