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Ces snowbirds qui restent au pays

Le merle d’Amérique qui cherche des vers dans le gazon annonce le printemps. Les groupes de bernaches qui volent en V annoncent l’automne. Ces oiseaux migrateurs nous indiquent les changements de saison. Pourtant, il est de plus en plus fréquent de voir ces oiseaux en hiver au Québec, même dans des températures très froides.

La migration est un sujet grandement étudié par les scientifiques. La principale raison des migrations est la recherche de deux ressources, soit la nourriture et les lieux de nidification.  Les oiseaux qui nichent dans le nord des Amériques profitent, entre autres, de la prolifération d’insectes au printemps pour élever leurs petits. Ils retournent ensuite au sud, puisque le couvert de neige limite la disponibilité de nourriture. Bien que le froid puisse être un facteur convaincant pour migrer vers le sud durant l’hiver, plusieurs espèces tolèrent bien le froid, tant qu’elles ont accès à de la nourriture. C’est le cas du merle d’Amérique, de la bernache du Canada et du canard colvert, pour en nommer que quelques-uns.

Le merle d’Amérique niche un peu partout au Québec. Des nids ont déjà été observés dans des villages du Nunavut. La majorité des merles qui niche en été au Québec, vont migrer plus au sud pour passer l’hiver. Certains individus plus hardis vont choisir de rester tout l’hiver. Bien que principalement insectivore durant l’été, le merle change son alimentation durant l’automne et l’hiver, et choisit plutôt de se nourrir de fruits, comme le sorbier, le raisin de vigne et le cerisier à grappes. Il forme des groupes qui se déplacent localement pour trouver des sources de nourriture.

La bernache du Canada, qui peut parcourir plus de 2 000 kilomètres en 24 heures, niche jusque dans l’Arctique. Au printemps et à l’automne, elle fait de grandes migrations, s’arrêtant en chemin, dans les points d’eau comme le fleuve Saint-Laurent, pour s’alimenter. Mais toutes les bernaches ne font pas ce grand périple. Certaines, dites résidentes, choisissent de nicher au même endroit où elles passent l’hiver.

Le canard colvert a besoin d’eau libre pour s’alimenter. C’est une des raisons pourquoi les individus qui vivent plus au nord migrent pour passer l’hiver au sud des États-Unis. Les individus qui ont accès à des zones d’eau sans glace ne migrent pas, malgré le froid qui s’installe.

Les trois espèces d’oiseaux ont grandement bénéficié de l’étalement urbain et des changements climatiques. Catastrophiques pour certaines espèces, ces deux facteurs ont favorisé le merle, la bernache et le canard colvert qui peuvent ainsi rester dans les régions plus nordiques. L’étalement urbain fourni de la nourriture facilement accessible, soit par l’aménagement paysager avec des arbres fruitiers pour le merle, ou encore par les grandes surfaces gazonnées et les champs cultivés pour la bernache. Les colverts profitent souvent, dans les parcs, des promeneurs qui les nourrissent. Les changements climatiques affectent le couvert de neige et la température. Les points d’eau qui ne gèlent pas en hiver offrent un habitat propice pour les canards et les bernaches.

Même avec les changements climatiques, les hivers québécois peuvent s’avérer très froids. Comment les oiseaux survivent-ils dans de telles conditions? Plusieurs adaptations leur permettent de rester bien au chaud. Les plumes sont entretenues méticuleusement pour les garder propres, huilées et imperméables. En gonflant ses plumes, l’oiseau crée une couche d’air, l’isolant ainsi du froid. Finalement, c’est en consommant des calories en grande quantité qu’il se garde au chaud, d’où l’importance d’avoir un accès à de la nourriture.  Il peut même y avoir des avantages à braver le froid. Le merle, par exemple, qui passe l’hiver dans son aire de nidification, aura le premier choix d’emplacement pour son territoire, ayant ainsi de meilleures chances de trouver une femelle et d’avoir des portées en santé.

Tout compte fait, contrairement aux snowbirds qui passent l’hiver dans le sud pour échapper au froid québécois, les oiseaux migrateurs qui décident de passer l’hiver à l’extérieur du Québec le font pour une question de disponibilité de nourriture, bien plus que pour échapper au froid.

Auteure: Stéphanie Bentz, biologiste responsable de l’interprétation

Sources:

National Geographic. Do Canada geese still fly south for winter? Yes, but it’s complicated, [En ligne]. https://www.nationalgeographic.com/animals/article/do-canada-geese-still-fly-south-for-winter (Page consultée le 23 février 2022)

Faune et flore du pays. Le merle d’Amérique, [En ligne]. https://www.hww.ca/fr/faune/oiseaux/le-merle-d-amerique.html (Page consultée le 23 février 2022)

The Cornell Lab All about birds. Mallard, [En ligne]. https://www.allaboutbirds.org/guide/Mallard/overview

The Cornell Lab All about birds. Canada goose, [En ligne]. https://www.allaboutbirds.org/guide/Canada_Goose/overview (Page consultée le 23 février 2022)

The Cornell Lab All about birds. American Robin. [En ligne]. https://www.allaboutbirds.org/guide/American_Robin/overview (Page consultée le 23 février 2022)