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De l’eider à la couette en duvet!

Près de nous, dans l’estuaire du Saint-Laurent, approximativement 35 colonies d’eiders à duvet (Somateria mollissima dresseri) sont réparties sur plusieurs îles, où l’île Bicquette abrite la colonie la plus importante avec environ 10 000 nids. Certaines compagnies profitent de la période de nidification pour récolter un précieux matériel… le duvet. Mais comment s’y prennent-elles ?

Commençons par le départ ! Afin de pouvoir patauger dans les eaux froides canadiennes, l’eider à duvet a un plumage très fourni. Pour transmettre efficacement la chaleur aux œufs, la femelle arrache graduellement une partie du duvet et des petites plumes du contour de son ventre. Cela permet aux œufs d’être directement en contact avec la peau et de faciliter l’échange de chaleur. Ce duvet arraché est employé pour recouvrir les œufs, notamment lorsque la femelle quitte le nid. Suite à la ponte de trois à cinq œufs, le mâle laisse la femelle pour se diriger vers les aires de mues. Puisqu’elle est seule pour couver les œufs, la femelle cesse totalement de s’alimenter et vit sur ses réserves de graisse accumulées dans les semaines précédentes. Ainsi, pendant les quatre à cinq jours de ponte et les 28 jours d’incubation, la femelle ne quittera le nid que pour se désaltérer. Cette période de jeûne mènera à l’éclosion où la cane pourra avoir perdu jusqu’à 40 % de sa masse corporelle. Puis, la canne dirige ses petits vers une crèche.

Rappelons que l’eider à duvet est le seul canard sauvage à produire un duvet de valeur commerciale. La production mondiale annuelle de duvet est de quatre à cinq tonnes, où la grande majorité est récoltée en Islande. Seulement de 150 à 200 kg/an sont récoltés dans le Saint-Laurent. Mais comment le duvet est-il récolté ?

Le duvet est récolté pendant la saison de nidification de l’eider, c’est-à-dire pendant que la femelle couve les œufs. Il ne peut l’être après puisque le duvet se disperse rapidement et, car la végétation rend difficile la localisation des nids. Ainsi, des gens spécialisés pour ce type d’intervention se rendent sur les îles de nidification, éloignent temporairement les femelles de leur nid et récoltent une partie du duvet qui recouvre les œufs. Pendant la récolte, le cueilleur doit s’assurer que la femelle détecte sa présence longtemps avant qu’il n’arrive au nid afin que cette dernière puisse avoir le temps de recouvrir les œufs de duvet, les camouflant ainsi des prédateurs. Le cueilleur doit également hâter sa progression pour diminuer le temps où la femelle est absente du nid. Puis, il doit aussi s’assurer que la femelle ne sera pas forcée de quitter le nid plus d’une fois au cours de la même récolte. À cette étape, la question qui brûle les lèvres est « est-ce que la récolte de duvet a un impact négatif sur la population d’eiders de l’estuaire ?». Et bien, la réponse est non puisque la population semble stable à long terme, ce qui laisse croire qu’elle est peu dérangée par cette pratique.

Suite à la collecte, le duvet doit subir plusieurs procédés de lavage, rinçage et stérilisation. Puis, il est acheminé vers une usine de confection et ensuite vers les commerces pour terminer sa course chez le consommateur. C’est notamment à cause de la longueur du procédé de fabrication et de la rareté du duvet d’eider que l’achat d’une couette ou d’une couverture (édredon) confectionnée à partir de ce matériau coûte si cher. En effet, un nid d’eider ne contient qu’en moyenne 44 g de duvet « brut » qui amène la production d’environ 7 g de duvet épuré. Le duvet d’eider montre aussi de nets avantages par rapport à d’autres et aux fibres synthétiques, dont son pouvoir isolant, son élasticité et sa cohésion.

Maintenant, si vous désirez observer ce merveilleux oiseau qui vous permet de rester bien au chaud, venez voir la femelle eider à duvet qui vit dans la volière de l’écosystème de la Baie de votre jardin animalier…

 

Auteure : Cindy Gagné

 

Sources :

BÉDARD, J., A., NADEAU, J.-F., GIROUX et J.-P.L. SAVARD, 2008. Le duvet de l’eider : caractéristiques et procédures de récolte, Société Duvetnor Ltée et Service canadien de la faune, Environnement Canada, région du Québec, Québec, 48 p.

Faune et flore du pays, page consultée le 1er avril 2013. L’eider à duvet. [En ligne], URL : www.hww.ca/fr/especes/oiseaux/l-eider-a-duvet.html

Groupe conjoint de travail sur la gestion de l’eider à duvet, 2004. Plan québécois de gestion de l’eider à duvet Somateria mollissima dresseri. Publication spéciale du Groupe conjoint de travail sur la gestion de l’eider à duvet, Québec, 44 p.