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À s’en geler les antennes

Les bernaches sont parties dans le sud, les ours sont entrés en torpeur, les tortues sont dans le fond des cours d’eau et les grenouilles des bois sont congelées. La neige couvre le sol, le froid s’est installé, c’est l’hiver au Québec. Mais où sont les insectes ? Abondants en été, on dirait presque qu’ils disparaissent en hiver. Il faut savoir que les insectes sont des animaux ectothermes, dits à « sang froid », ce qui veut dire que leur température interne dépend de la température de l’environnement. Cette caractéristique a donc un impact sur les fonctions biologiques telles que l’alimentation, la reproduction et la croissance.

Les insectes sont présents dans presque tous les écosystèmes de la Terre, et ce n’est pas par hasard. Ils ont évolué avec une panoplie d’adaptations les rendant aptes à survivre dans toutes sortes de conditions. Et le froid de l’hiver n’est pas une exception. Au Québec, trois solutions sont utilisées : migrer, résister au froid et éviter le froid.

La migration

Un insecte québécois est bien connu pour ses migrations, le monarque (Danaus plexippus). Ce papillon orange et noir parcourt plus de 4000 kilomètres pour rejoindre les montagnes du Mexique. C’est là, avec des milliers d’autres monarques, qu’il reste immobile, en attendant le retour du temps plus chaud. Pendant la migration et le repos hivernal, les adultes n’ont pas leurs organes reproducteurs, qui se développent au printemps. Après l’accouplement, la femelle se déplace vers le nord pour pondre ses œufs. Quelques générations plus tard, le monarque revient au Québec.

Le monarque n’est pas le seul insecte migrateur. La Belle-Dame (Vanessa cardui), un papillon, effectue une migration similaire à celle du monarque. L’anax de juin (Anax junius) et le pantale globe-trotteur (Pantala flavescens), des libellules, font des déplacements impressionnants. Finalement, de plus petits insectes, comme la grande punaise de l’asclépiade (Oncopeltus fasciatus), se déplacent aussi sur l’axe nord-sud au fil des saisons.

L’activité en hiver

Peu d’insectes restent actifs en hiver, mais quelques-uns y parviennent, dont la mouche des neiges (Chionea valga). Cette mouche, aux ailes absentes, vit dans l’espace étroit entre la neige et le sol gelé, où la température reste relativement stable et proche du zéro. Afin de conserver son énergie, elle ne s’alimente pas et les préliminaires, la parade nuptiale, n’existent pas, dès que des individus de sexes opposés se rencontrent, ils s’accouplent. D’ailleurs, les adultes sont seulement présents en hiver et sont capables de se déplacer sur la neige grâce à leurs pattes robustes. Le grand avantage de cette activité hivernale c’est qu’ils peuvent compléter leur cycle de vie sans prédateur, ou presque.

Certaines larves de libellules, de demoiselles, d’éphémères et de plécoptères restent aussi actives durant l’hiver. Elles sont aquatiques, restent dans leur cours d’eau et continuent de s’alimenter. La température de l’eau est plutôt stable et généralement au-dessus de zéro, ce qui les protège du gel.

Les abeilles aussi restent actives. Elles se regroupent autour de la reine et agitent leurs ailes pour conserver la chaleur. Elles se déplacent pour dans le groupe pour que toutes puissent profiter de la chaleur. Et c’est avec le miel qu’elles produisent en été qu’elles s’alimentent durant l’hiver.

La diapause

La technique la plus utilisée chez les insectes pour passer l’hiver est la diapause. La diapause est semblable à l’hibernation des mammifères. Il s’agit d’un sommeil profond, qui entraîne une hypothermie et une baisse de consommation d’énergie par les fonctions métaboliques. En prévision de la diapause, les insectes vont accumuler du sucre et des graisses, produire des composés antigels et éliminer un maximum d’eau, afin de limiter la création de cristaux de glace.

La diapause est un mécanisme contrôlé par les hormones en lien avec la photopériode. Quand les journées raccourcissent en automne, l’insecte se prépare et ce, peu importe la température. La sortie de la diapause est déterminée par une forme d’horloge interne, ce qui évite à l’insecte de sortir de son sommeil en plein milieu de l’hiver. La diapause peut s’étirer plus longtemps que l’hiver, durant parfois plusieurs années, chez certaines espèces.

La diapause peut avoir lieu à n’importe quel stade du cycle de vie de l’insecte : œuf, larve, chrysalide ou adulte, bien que le dernier soit moins commun. Une espèce donnée va toujours faire sa diapause au même stade de vie et va toujours avoir lieu au même moment dans l’année. Chez la mante religieuse (Mantis religiosa), l’adulte meurt en automne, après avoir pondu ses œufs, protégés dans une oothèque. Ce sont eux qui passent l’hiver au froid ; les larves émergent au printemps suivant. La chenille de l’isie isabelle (Pyrrharctia isabella) est fréquemment observée en déplacement en automne. Elle est à la recherche d’un endroit pour passer l’hiver, généralement dans la litière forestière. Celle-ci, recouverte de neige, offre une bonne protection contre le froid. La saturnie cécropia (Hyalophora cecropia), le plus grand papillon du Québec, passe l’hiver sous forme de chrysalide. La chenille, après avoir mangé tout l’été, se forme un cocon de soie dans lequel elle se métamorphose en chrysalide. Finalement, le papillon morio (Nymphalis antiopa) passe l’hiver sous forme adulte. À l’automne, il se cache sous l’écorce d’un arbre. C’est d’ailleurs un des premiers papillons qu’il est possible d’observer au printemps.

Que l’insecte migre, reste actif ou dorme tout l’hiver, il reste très impressionnant de constater les adaptations de ces petits animaux qui n’ont pas la capacité de se réchauffer. Et dire que plusieurs d’entre nous trouvent l’hiver difficile, avec nos manteaux, nos bottes et notre chauffage.

 

Auteure : Stéphanie Bentz, biologiste responsable de l’éducation et de l’interprétation

Sources :

Hickman, Cleveland P. … [et al.] (2008) Integrated Principles of zoology (14th edition). New York, NY: McGraw-Hill Higher Education

Universalis. Diapause, zoologie [En ligne] https://www.universalis.fr/encyclopedie/diapause-zoologie/ (Page consultée le 21 novembre 2022)

ScienceDirect. Diapause [En ligne] https://www.sciencedirect.com/topics/earth-and-planetary-sciences/diapause (Page consultée le 21 novembre 2022)

Espace pour la vie. Les insectes en hiver [En ligne] https://espacepourlavie.ca/blogue/les-insectes-en-hiver (Page consultée le 22 novembre 2022)

Science Presse. Les quatre saisons des insectes [En ligne] https://www.sciencepresse.qc.ca/blogue/dire/2017/01/25/quatre-saisons-insectes (Page consultée le 23 novembre 2022)

Gouvernement du Québec. Plein feux sur… l’hiver et les insectes [En ligne] https://mffp.gouv.qc.ca/jeunesse/hiver-insectes/ (Page consultée le 23 novembre 2022)